L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a communiqué, le 8 mars 2023, sa position sur la gestion des questions environnementales et climatiques dans le cadre du dialogue actionnarial. Elle a diffusé dans la foulée les recommandations de sa Commission Climat et Finance Durable (CCFD) relatives aux résolutions climatiques qui amplifient le débat.
A l’aube de l’ouverture de la saison des assemblées générales (AG) 2023, l’AMF a rappelé l’obligation pour certains acteurs de publier annuellement une déclaration de performance extra-financière (DPEF), contenue dans le rapport de gestion. Les DPEF doivent notamment contenir les risques environnementaux et climatiques présentés par l’activité de la société, les politiques internes mises en place pour y répondre, ainsi que les indicateurs de performance associés. L’autorité indépendante ajoute que ces informations doivent être présentées de façon à ce qu’elles soient « complètes, cohérentes et compréhensibles ».
Elle rappelle ensuite les dispositions de la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). Le texte, adopté par les co-législateurs européens en décembre dernier, précise et étend considérablement le champ d’application de l’obligation de rapportage par rapport à la Directive RSE de 2014, actuellement en vigueur. En vertu de la CSRD, les sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé devront communiquer, à compter de 2025, leurs plans (y compris les plans financiers et d’investissement connexes) pour assurer la compatibilité de leur modèle commercial et de leur stratégie avec la transition vers une économie durable, la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C, l’objectif de neutralité climatique d’ici à 2050 et, le cas échéant, l’exposition de l’entreprise à des activités liées au charbon, au pétrole et au gaz. L’entrée en vigueur de la CSRD s’accompagne de standards de reporting renouvelés, ainsi que de nouveaux textes législatifs et réglementaires venant préciser le dispositif, l’ensemble étant en cours d’élaboration.
En marge de ces obligations légales, s’est développée la pratique du Say on Climate (SoC), qui renvoie à l’adoption en AG d’une résolution sur la stratégie climatique de l’entreprise. Elle peut être déposée par la société elle-même ou initiée par les actionnaires. Encore minoritaire rapportée à l’ensemble des sociétés cotées, cette pratique suscite néanmoins un fort intérêt auprès des investisseurs engagés. Une résolution climat peut porter sur le SoC, en ce que les actionnaires vont réclamer un vote sur la validation de la stratégie climatique de l’entreprise. Une résolution climat peut également avoir d’autres objets : demande d’informations et/ou de transparence sur des sujets précis, comme la baisse des émissions de gaz à effet de serre ou la raison d’être de certains projets.
Dans ce contexte en pleine évolution, l’AMF appelle aux sociétés cotées de tenir compte « dès à présent » des futures exigences lorsqu’elles élaborent leur DPEF et leur stratégie climatique. Plus particulièrement, les sociétés cotées sont invitées à renforcer le dialogue actionnarial, en présentant leur stratégie climatique « à chaque assemblée générale sous la forme d’un point à l’ordre du jour avec débat ». Ainsi, l’AMF ne se prononce pas en faveur d’une approbation formelle de la part des actionnaires, mais estime cette évolution souhaitable à terme. De plus, elle rappelle que les tribunaux de commerce (TC) sont seuls compétents pour apprécier la recevabilité des projets de résolution climat dont l’inscription à l’ordre du jour d’une AG est demandée par des actionnaires, ainsi que pour apprécier le bien-fondé d’un éventuel refus de la part de l’organe d’administration.
Sur ces points, la CCFD se détache par une analyse critique, avec comme double constat la frustration des actionnaires face à la difficulté de dépôt de résolutions climats en France et la procédure consistant à saisir le TC jugée inefficace, en ce qu’elle conduit à bloquer de facto la présentation de ces résolutions en AG. Par conséquent, la CCFD recommande :
- Pour les résolutions climat déposées par les actionnaires : l’inscription par principe à l’ordre du jour de l’AG ; en cas de refus d’inscription, la saisine obligatoire de l’AMF par l’organe d’administration – ce qui implique une modification des textes encadrant le rôle de l’AMF ; dans l’attente de cette modification, la saisine du TC, non plus par les actionnaires insatisfaits, mais par l’organe d’administration, ce qui revient à inverser la charge de la contestation.
- Pour les résolutions climat à l’initiative des sociétés : encadrer et uniformiser à l’échelle européenne la pratique du SoC (caractère obligatoire, contenu, fréquence, moyens mis en œuvre et conséquences du vote).
L’AMF a souhaité préciser que les opinions exprimées par la CCFD, dont la mission est de l’aider à conduire ses missions de régulation et de supervision sur les thématiques de finance durable (agences de notation, neutralité carbone, etc.), n’engagent aucunement l’Autorité.
Le cabinet King & Spalding est en mesure d’accompagner les acteurs sur l’ensemble de ces sujets, notamment pour les informer sur la mise en œuvre des obligations de reporting extra-financier existantes et à venir, ainsi que pour évaluer les risques de contentieux civil et commercial en découlant.