L’Union européenne (ci-après, « UE ») vient de publier son nouveau règlement « Batteries » le 28 juillet 2023. Ce texte longuement attendu, présenté pour la première fois par la Commission européenne fin 2020 et objet d’âpres négociations depuis lors, consiste en un cadre juridique complet couvrant l’ensemble du cycle de vie des batteries, depuis leur fabrication jusqu’à la gestion des déchets qui en sont issus.
Le règlement « Batteries », officiellement dénommé « Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2009/98/CE et le règlement (UE) 2019/ 1020 et abrogeant la directive 2006/66/CE », fait partie du Pacte vert pour l’Europe, un programme politique lancé par le Commission européenne en 2019 pour atteindre la neutralité climatique. Le nouveau règlement vise donc à permettre la mise sur le marché de « batteries durables pour une économie circulaire et climatiquement neutre » pour reprendre les termes de la Commission européenne.1Commission européenne, Communiqué de presse, « Pacte vert : « Des batteries durables pour une économie circulaire et climatiquement neutre », 10 décembre 2020, Bruxelles.
Le texte entrera en vigueur le 17 août 2023 dans les vingt-sept Etats membres de l’UE. Certaines dispositions ont toutefois une entrée en vigueur différées et/ou progressive.
Les sanctions en cas de manquement aux obligations prévues par le règlement « Batteries » doivent être adoptées par chaque Etat membre.
QUELLES BATTERIES SONT CONCERNEES ?
Le règlement contient des dispositions spécifiques pour les batteries portables, les batteries des moyens de transport légers (LMT), les batteries de démarrage, d’éclairage et d’allumage (SLI), les batteries industrielles et les batteries des véhicules électriques (EV). Une définition est fournie pour chacune de ces notions. Il convient de noter que la catégorie des batteries pour véhicules électriques est inscrite pour la première fois dans la législation européenne, reflétant la volonté de Bruxelles de créer un régime sur-mesure pour cette industrie automobile spécifique.
Toutes les batteries susmentionnées sont couvertes, quels que soient leur forme, leur volume, leur poids, leur conception, leur composition, leur utilisation ou leur but. Le texte est également destiné à s’appliquer aux batteries incorporées ou ajoutées à d’autres produits (et pas seulement aux batteries commercialisées individuellement), ainsi qu’aux assemblages-batteries et aux batteries qui peuvent être conçues prêtes à l’emploi par l’utilisateur final au moyen d’outils d’usage courant en faisant appel à un kit « à monter soi-même ». Enfin, elle couvre à la fois les batteries produites dans l’UE et les batteries importées.
QUELLES SONT LES NOUVELLES OBLIGATIONS ?
Le règlement « Batteries » est particulièrement long et complexe, car il couvre de nombreux aspects et s’adresse à un large éventail de parties prenantes. La présente Client Alert n’a pas pour but de présenter le texte de manière exhaustive. Seules les principales mesures concernant les fabricants et les importateurs de batteries seront abordées.
En résumé, la composition d’une batterie mise sur le marché de l’UE est soumise à des exigences plus strictes : la restriction de l’utilisation de substances dangereuses dans les batteries est renforcée (1) et un contenu recyclé minimal doit être incorporé dans les batteries (2). Des paramètres de performance électrochimique et de durabilité sont également définis. En ce qui concerne la gestion de la fin de vie, des mesures visant à promouvoir la seconde vie (3) et à améliorer la collecte et le recyclage des batteries sont prévues (4). Enfin, le nouveau règlement « Batteries » introduit des exigences accrues en matière de transparence et de communication pour les fabricants et les importateurs (5).
1. L'utilisation de substances dangereuses pour la fabrication de batteries a toujours été encadrée, soit par la directive 2006/66/CE sur les batteries, aujourd’hui abrogée, soit par des réglementations plus générales telles que le règlement REACH n° 1907/2006. Le nouveau règlement « Batteries » va plus loin, puisqu’il interdit tout d’abord la mise sur le marché (étant précisé que l’importation est considérée comme équivalente à la mise sur le marché) de certaines batteries qui contiennent du mercure, du cadmium ou du plomb au-delà des concentrations indiquées. Ensuite, une nouvelle procédure de restriction est créée : la Commission européenne ou les Etats membres de l’UE peuvent proposer l’inclusion d’une nouvelle substance dans la liste des substances dangereuses faisant l’objet de restrictions dans la fabrication des piles.
La procédure, qui dure au mieux trois ans mais peut varier sensiblement en fonction du dossier, implique des consultations d’organismes scientifiques placés sous la supervision de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ainsi qu’une consultation publique.
D’ici la fin de l’année 2027, la Commission européenne doit publier un rapport sur les substances « ayant un effet néfaste sur la santé humaine ou l’environnement ou entravant le recyclage de matières premières secondaires sûres et de haute qualité, présentes dans les batteries ou utilisées dans leur fabrication ». En fonction de ses conclusions, ce rapport devrait permettre une première mise à jour de la liste des substances dangereuses soumises à restriction dans la fabrication des batteries. Des indices laissent à penser que l’hexafluorophosphate de lithium pourrait intéresser particulièrement la Commission européenne au cours de ce processus.
2. La fabrication des batteries sera également soumise à des exigences concernant l’incorporation de contenu recyclé. En effet, lorsque certaines batteries contiennent du cobalt, du plomb, du lithium ou du nickel parmi les matières actives, le règlement impose qu’un taux minimum de ces matériaux soit issu de la valorisation des déchets. Le taux de contenu recyclé requis varie en fonction du matériau considéré. Le règlement « Batteries » définit également la notion de « matière active ». La Commission européenne est habilitée à modifier la liste des matériaux soumis à cette obligation. Elle est également habilitée à réviser les objectifs fixés, tant en ce qui concerne les taux de contenu recyclé que les délais de mise en œuvre. Le respect de ces obligations doit être démontré dans la documentation technique à soumettre par le fabricant dans le cadre de la procédure d’évaluation de la conformité. En d’autres termes, si ces objectifs ne sont pas atteints, les produits risquent de ne pas obtenir le marquage « CE ». Les fabricants ou importateurs sont également tenus de fournir, à court terme (c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de l’obligation d’incorporer du contenu recyclé), certaines informations sur les proportions de contenu recyclé. Cette mesure vise à valoriser les acteurs ayant déjà adopté une approche d’économie circulaire et à encourager les autres à suivre cette voie.
3. Le règlement « Batteries » contient plusieurs mesures visant à promouvoir la seconde vie des batteries. Il sera rappelé que la Commission européenne a exprimé sa volonté « [d’]éviter que les batteries devenues des déchets ne soient à jamais perdues, et de faire en sorte qu'elles soient plutôt réaffectées ou remanufacturées et que les matières de valeur qu'elles contiennent soient réintroduites dans l'économie ».2Commission européenne, Questions et réponses, « Questions et réponses sur la proposition de règlement relatif aux batteries », 10 décembre 2020, Bruxelles.
Ces deux modes de gestion, la réaffectation et le remanufacturage, font donc l’objet d’une reconnaissance officielle. La première, la réaffectation, désigne toute opération qui permet d’utiliser une batterie, qui n’est pas une batterie usagée, pour une application pour laquelle elle n’a pas été conçue à l’origine. La seconde, le remanufacturage, désigne toute opération technique effectuée sur une batterie usagée en vue de restaurer sa capacité à au moins 90 % de sa capacité nominale d’origine. Des définitions plus détaillées sont fournies dans le texte. Le règlement contient de nombreuses dispositions visant à faciliter la mise en œuvre des opérations de réaffectation et de remanufacturage et à garantir qu’elles sont effectuées dans des conditions respectueuses de l’environnement et de la santé humaine. Les batteries réaffectées ou remanufacturées étant considérées comme des batteries replacées sur le marché, les exigences relatives à la mise sur le marché sont adaptées, y compris les exigences concernant le système de responsabilité élargie des producteurs.
4. En ce qui concerne les déchets de batterie, le nouveau règlement contient de nombreuses dispositions visant à améliorer les taux de collecte et de recyclage. Il fixe tout d'abord des objectifs de collecte pour certaines catégories de batteries. Une méthode de calcul du taux de collecte est prévue. La Commission européenne est habilitée à réviser les objectifs de collecte. En outre, les distributeurs doivent reprendre toutes les batteries usagées des utilisateurs finaux. Il s’agit d’une reprise gratuite, ce qui signifie qu’elle s’applique sans obligation d’achat passé ou futur, et indépendamment de la composition chimique, de l’état, de la marque ou de l’origine des batteries en question. Les parties prenantes impliquées dans la collecte des batteries usagées doivent mettre en place des campagnes de communication pour sensibiliser les utilisateurs finaux à l’importance de la collecte séparée des batteries et à l’existence de systèmes de collecte.
Toujours en vue d’améliorer la collecte et le recyclage des batteries, certaines dispositions imposent aux fabricants de garantir le retrait et le remplacement des batteries contenues dans les appareils qu’ils mettent sur le marché.
5. Enfin, le règlement « Batteries » introduit des exigences en termes de transparence. Notamment, une déclaration relative à l’empreinte carbone et une classe de performance liée à l’empreinte carbone doivent accompagner la mise sur le marché de certaines batteries, étant précisé qu’une méthodologie de calcul de ces paramètres est fournie. En outre, des seuils maximaux d’empreinte carbone seront proposés par la Commission européenne dans les mois à venir. Un « passeport » de la batterie, contenant diverses informations, devra également être créé et mis à la disposition des consommateurs, par exemple au moyen d'un code QR imprimé sur l'emballage du produit. D’autres exigences en matière de marquage et d’étiquetage sont détaillées dans le texte.
Pour finir, le règlement « Batteries » aborde les risques sociaux et environnementaux inhérents à l’extraction, à la transformation et au commerce de certaines matières premières et matières premières secondaires utilisées pour la fabrication des batteries. Ces questions devront être analysées au sein des politiques spécifiques de « devoir de diligence à l’égard des batteries », qui deviendront obligatoires pour certains fabricants et seront rendues publiques. La mise en œuvre de ces politiques sera contrôlée par un tiers.
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Les entreprises impliquées dans la fabrication et la mise sur le marché européen de batteries seront impactées par ce nouveau règlement et doivent se renseigner sur les dispositions exactes applicables à leurs activités.
Les avocats spécialisés en droit de l'environnement du cabinet King & Spalding peuvent vous aider à mieux comprendre les changements qui résulteront de l'entrée en vigueur du règlement sur les batteries. Ils peuvent également vous assister concernant les interactions entre ce texte et les autres réglementations européennes existantes s’appliquant au secteur des batteries (règlement REACH, règlement CLP, directive VHU, etc.).